fedizine-fr
Une introduction anarchiste aux réseaux sociaux fédérés

PDF pour imprimer!

TLDR

Pour pire ou mieux, les anars utilisent Twitter, Instagram, Facebook, réseaux de social media. C’est poche. Mais voyons : il y a le Fédiverse, un réseau de média sociaux qui s’alignent avec des valeurs anarchistes, et qui n’est pas un trou noir tourbillant, faiblement rendu obscur à nos yeux, qui se nourrit de l’attention humaine, qui cueillent des données en nous surveillant. Le Fédiverse est un réseau vraiment social, voire – il se compose de divers instances qui sont tous fédérés, autonomes et décentrés. Sur le Fédiverse, nous gérons l’infrastructure, nous nous occupons de la modération et nous pouvons interagir et partager en accordance de nos affinités et nos désirs, sans l’influence d’un algorithme qui provoque la dépendance. Plusieurs anarchistes qui on esquivé les pièges du Big Social sont déjà ici. On échange sur nos projets, notre art et nos idées. Vas-y nous rejoindre!

Intro

what's a zine

Les réseaux sociaux et l’internet sont envahissants et influents. Qu’il soit possible de sauver la « technologie » ou non – même lorsqu’imaginée en dehors du contexte capitaliste – est une discussion constante dans les cercles anarchistes. Peut-être crois-tu que les réseaux sociaux (même les alternatives discutées ici) ainsi que toutes leurs infrastructures devraient être détruits, enterrés et oubliés. Peut-être es-tu capable d’imaginer un monde où les ordinateurs, serveurs et réseaux sont distincts du capitalisme et servent à étendre les limites de la liberté , et non l’inverse. Cependant, ceci est un débat pour un autre zine.

Peu importe où tu te situes par rapport à la « technologie », nous n’avons d’autre choix que d’accepter que la plupart des gens aujourd’hui utilisent les réseaux sociaux à un certain degré, et cela inclut la plupart des anarchistes. Même si tu n’es pas « sur » les réseaux sociaux, tu interagis inévitablement avec ceux-ci. Les articles d’opinion et de nouvelles « anarchistes » contiennent des tweets sous-cités, et la principale source d’information quant aux évènements publics reste Facebook. Malheureusement, lorsque les gens font référence à la « conversation », au discours, on sous-entend souvent « Twitter ».

En surface, plusieurs anarchistes sont présent.es sur les réseaux sociaux avec l’intention de partager à un public large des idées et nouvelles d’un point de vue anarchiste. Cependant, il est très commun qu’iels utilisent les réseaux pour les raisons « sociales ». Que ce soit pour garder contact avec des ami.es longue distance (surtout pendant et depuis la pandémie), pour partager de l’art, pour chercher de l’inspiration, pour regarder des mèmes.

Peut-être que les anarchistes devraient lutter avec enthousiasme contre toute médiation de nos relations par l’internet. Peut-être. Aux fins de notre discussion, nous allons accepter le fait que les réseaux sociaux sont omniprésents, et nous allons être critiques de la façon dont nous les utilisons et imaginons ou explorons des alternatives qui sont cohérentes avec les idéaux anarchistes. Nous utilisons l’internet et devrions donc essayer d’utiliser des infrastructures et des outils qui favorisent l’autonomie et ne contredisent pas nos valeurs, au lieu d’utiliser ceux qui nous sont hostiles.

Autrement, tu peux toujours supprimer tous tes comptes et aller saboter des câbles de fibre optique.

Twitter, c’est d’la marde.

Est-ce qu’on a vraiment besoin d’expliquer en quoi les médias sociaux corporatifs sont horribles? Peu importe, voici une liste :

Il y a des raisons valides pour lesquelles un.e anarchiste pourrait interagir avec les réseaux sociaux. On peut considérer qu’il est important d’y avoir une présence pour rejoindre les gens en dehors de la chambre d’écho anarchiste, pour promouvoir et partager des idées à divers groupes sociaux qui ne sont pas nécessairement les nôtres ou qui sont plus difficiles à rejoindre. De nombreuses personnes utilisent les réseaux sociaux corporatifs parce qu’ils sont le seul moyen qu’iels ont de garder contact avec certains groupes, que ce soit de la famille ou des ami.es de longue date. Ces raisons sont valides et nous voulons les souligner.

Tout comme il est raisonnable de dire que 50% des comptes Twitter sont des bots, on peut dire que 90% des publications faites par des anarchistes sur Twitter se fondent dans la masse de shitposting. Tellement d’anarchistes sont dépendants d’Instagram et de Twitter, et donnent à ces plateformes toute l’attention et toutes les données qu’elles veulent, devenant simultanément aveugles face au monde, aux problèmes, aux autres et aux discussions qui existent en dehors de ces fils d’actualité soigneusement concoctés.

Communautés clôturées

Donc, outre l’argument de « maintenir une présence », les anarchistes qui utilisent les réseaux sociaux traditionnels tombent souvent dans les mêmes dynamiques sociales toxiques, dans un usage dépendant et dans une manière de penser en silo, ce que ces plateformes encouragent. Il y a un autre problème : les réseaux sociaux corporatifs forment des communautés fermées et hostiles. Il peut être difficile, voire impossible, de consulter du contenu sur certaines plateformes sans devoir se créer un compte utilisateur. Même quelqu’un qui visite ces plateformes sans compte d’utilisateur sera traité comme un produit, et sera traqué. C’est même le cas pour des sites comme It’s Going Down, qui intègre des Tweets dans leurs articles, ce qui permet à Twitter de traquer les lecteurs au travers du web. Come on!

Il y a bien sûr des moyens de contourner cela, des hacks, et des mesures de sécurité qu’on peut utiliser. Au final, ces plateformes ne veulent tout simplement pas que l’on consulte leur contenu sans qu’on leur offre quelque chose en échange – ils nous y forcent au travers de multiples moyens, et le meilleur cas, étant à l’extérieur de leurs systèmes, on ne peut qu’être passif et observer.

twitter fail

Les anars peuvent maintenir une présence dans ces communautés fermées, pour les multiples raisons nommées précédemment. Ceci étant dit, il ne devrait pas s’agir de notre principale présence en ligne. Ce ne devrait pas être l’endroit premier où nous allons pour partager des nouvelles, des événements, des projets, des connaissances, des projets artistiques, des horaires d’ateliers, etc. C’est d’la bullshit qu’autant d’entre nous mettons tous nos efforts, que ce soit créatif ou analytique, pour publier sur une plateforme aussi fermée, qui en plus de se faire des profits, force nos ami.es, nos camarades et les personnes intéressées par l’anarchisme à se créer un compte d’utilisateur pour être en mesure de consulter et d’interagir avec nos publications.

Un meilleur fil d’actualités est possible…

Notre plaidoyer est celui-ci : nous voulons que les anarchistes prennent en considération qu’au rythme où nous utilisons les réseaux sociaux, nous devrions être plus critiques de notre rôle dans l’engrenage des réseaux sociaux corporatifs. Nous devrions être plus enthousiastes à l’idée d’interagir avec des structures web alternatives, qui s’alignent avec nos valeurs, nos buts et nos idéaux.

what's a fediverse

Qu’est -ce que le Fédiverse? Fédération + Univers (parfois « Fedi » pour faire court)

Réseaux sociaux fédérés

morpheus.jpg

Le Fédiverse est un réseau de médias alternatifs fondamentalement différent des réseaux sociaux corporatifs. Le Fédiverse est organisé en suivant des principes structuraux anarchistes : décentralisation, autonomie, fédération, ouverture et libre association. À cause que sa structure différente le rend compatible avec l’anarchie, il faut offrir une courte explication technique de ces différences structurales. Désolé, on va essayer de garder ça court… et il y a des images.

Il y a trois concepts principaux à comprendre : l’interopérabilité, la décentralisation et la fédération.

L’interopérabilité

Un concept crucial du Fédiverse est son interopérabilité. Par exemple, le email est interopérable. On peut envoyer un email à un compte Gmail à partir d’un compte riseup.net (quelle bonne idée!). Les anciens messages SMS (avant iMessage) sont aussi interopérables : on peut envoyer un message texte à n’importe qui, peu importe leur opérateur de réseau mobile.

isolated social networks

Généralement, les différents réseaux sociaux corporatifs ne sont pas interopérables.    Instagram, Facebook, Twitter, TikTok, etc. existent de manière isolée les uns des autres. Tu ne peux pas publier sur Twitter via ton compte Instagram. Tu ne peux pas suivre quelqu’un ou interagir avec lui sur TikTok via ton compte Facebook (Facebook et Instagram offrent maintenant l’option d’interagir entre les deux plateformes, puisqu’ils sont tous les deux possédés par Meta – c’est un avant-goût de l’interopérabilité!).

En contraste, le Fédiverse est un réseau composé de plusieurs réseaux d’applications qui sont interopérables. Chaque application est composée de différents logiciels open source, qui présentent les réseaux sociaux de différentes manières (en mettant l’accent sur le texte, les images ou la vidéo). Certains des exemples les plus communs :

… et il y en a des dizaines d’autres. D’un seul compte, il est possible de suivre le compte Peertube de Submedia pour ne pas manquer les nouveaux épisodes de System Fail, le compte Mastodon de It’s Going Down pour suivre les nouvelles, et le très ~esthétique~ compte d’un distro nihiliste sur Pixelfed pour voir les photos de leurs plus récents livres et zines. L’interopérabilité brise le monopole d’un seul logiciel sur le réseau. Des gens sont libres de choisir le logiciel qu’ils préfèrent et peuvent quand même suivre et interagir avec tout les autres sur le Fédiverse, peu importe leur choix de logiciel.

interoperated social networks

Décentralisation

Le Fédiverse est décentralisé. Chaque réseau social corporatif ne dispose que d’un serveur centralisé. Par exemple, tu ne peux utiliser Twitter que si tu as un compte Twitter. Le Fédiverse est composé de milliers de différents serveurs, chacun appelé une instance. Grâce à l’interopérabilité, tous ces serveurs peuvent exécuter des logiciels de serveur différents, et quand même interagir entre eux.

decentralized servers

Combiner le tout… fédération!

N’importe qui peut ajouter sa propre instance au Fédiverse. Iels peuvent choisir le logiciel qui répond le mieux à leurs besoins (Mastodon pour du microblogging, Peertube pour poster des vidéos – ou iels peuvent coder leur propre logiciel si iels veulent quelque chose de différent!).

Au lieu d’avoir un seul serveur Mastodon et un seul serveur Pixelfed, chaque logiciel est composé de milliers d’instances décentralisées. Une instance peut être petite et héberger qu’une seule utilisatrice, ou un groupe d’ami.es, ou elle peut être grande et héberger une grosse communauté. En tant qu’utilisateur, on a un compte sur une instance qu’on peut considérer son instance locale. C’est là qu’on se connecte, que l’on consulte son fil d’actualités, qu’on peut composer de nouveaux postes, mais toutes ces instances peuvent fédérer les unes avec les autres, peu importe le logiciel sur lesquelles elles se trouvent, via un protocole appelé ActivityPub.

activiy_pug

La fédération permet aux utilisateurs et aux utilisatrices de n’importe quelle instance de suivre celles et ceux sur d’autres instances et de connecter et d’interagir avec eux. Ce réseau, composé d’utilisateurs et utilisatrices hébergé.es sur différentes instances et utilisant différents logiciels, c’est ça le Fédiverse! federated

Réflexions Fedi

Pourquoi tout cela est-il pertinent pour les anarchistes? Si on cherche un moyen de communiquer, faire du réseautage, publier et partager de l’information en ligne, on devrait utiliser des outils qui ont été crées dans ce but particulier. Les réseaux sociaux corporatifs sont construits de manière à générer des données sur les utilisateurs et utilisatrices et d’absorber notre attention – cela nous offre un réseau social de surface, addictif, qui ne veut que nous attirer afin que nous générons ces données.

Le Fédiverse, en contrepartie, existe pour nous fournir un vrai réseau social – un endroit pour faire du réseautage, pour partager de l’information avec nos contacts sociaux existants, ou de créer de nouvelles connexions. Le Fédiverse est construit sur des principes anarchistes comme l’association libre, l’affinité, l’autonomie et… la fédération. Aucune entité singulière n’a le contrôle sur tous les logiciels compatibles avec le Fédiverse ni sur les instances qui forment le Fédiverse. Les instances peuvent être exécutées autant par des individus seuls que par des collectifs, et elles peuvent être gérées selon les valeurs et les buts décidés par les opérateurs. Chaque instance sur le Fédiverse est totalement autonome, à choisir le logiciel qui lui convient, quel.les utilisateurs et utilisatrices sont autorisé.es à rejoindre l’instance, quelles sont les politiques et règles à suivre, comment les serveurs physiques sont gérés et entretenus, etc. Il est même possible de créer notre propre logiciel pour exécuter nos instances sur le Fédiverse si ceux qui sont disponibles ne nous conviennent pas (parmi les développeurs et développeuses, il y a déjà une grande représentation de gens antifascistes, queers et trans qui contribuent et créent de nouveaux logiciels avec les caractéristiques qu’iels souhaitaient y voir).

Sur le Fédiverse tu peux choisir une instance (ou en créer une) avec les politiques de modération internes et externes qui te conviennent. Les instances choisissent elles-mêmes leurs politiques et règles que les utilisateurs et utilisatrices devront suivre, cela inclut les interactions avec d’autres instances dont les utilisateurs et utilisatrices pourraient être hostiles ou abusif.ves. Une instance peut choisir de se défédérer complètement d’une autre instance, si cela est jugé nécessaire.

Qui que ce soit est libre de migrer vers une autre instance ou de créer sa propre instance, et il fera quand même partie du Fédiverse, sans être bloqué par des éléments, comme l’isolation et le monopole, qui structurent les réseaux sociaux corporatifs. Les utilisateurs et utilisatrices ont beaucoup plus de contrôle sur leur expérience et les seules limites sont décidées de manière autonome par chaque instance.

Par défaut, le Fédiverse n’est pas une communauté fermée. Les utilisateurs et utilisatrices se disposent de paramètres de confidentialité personnalisables très fins. Qu’en est-il des postes et profils publics qui sont conçus pour être vus de tout le monde? N’importe qui avec un navigateur web peut les voir. C’est une plateforme beaucoup plus accessible lorsqu’on la compare aux réseaux sociaux corporatifs (et c’est plus facile que de mettre en place un blogue). L’équipement nécessaire pour avoir accès au contenu du Fédiverse est très minime, ce qui permet une meilleure accessibilité pour les personnes ayant un vieux téléphone ou ordinateur, ou une moins bonne connexion internet. Les utilisateurs et utilisatrices ne se font pas demander de s’inscrire et ne seront pas traqué.es simplement pour avoir accédé à une publication publique. Si quelqu’un décide de s’inscrire afin de te rejoindre, il n’y aura pas de contrainte qui se limite à l’utilisation du même logiciel que toi; iel est libre de choisir celui qui répond le mieux à ses besoins.

Utiliser

Comprendre le Fédiverse peut sembler complexe au départ. « C’est quoi mon instance locale? Tu me dis que cet utilisateur-là est sur un autre serveur? C’est quoi la différence entre Mastodon, Pleroma et Pixelfed, et comment puis-je choisir? » C’est vrai, ça peut être intimidant, mais on ne pense pas que ce soit nécessairement une mauvaise chose. Interagir avec quelque chose d’aussi potentiellement stressant que les réseaux sociaux et l’internet devrait signifier que les utilisateurs et utilisatrices ont une compréhension de comment tout cela fonctionne. Pour nous, ça semble être une meilleure pratique anarchiste que de simplement accepter tout cru dans le bec les produits corporatifs qui ne sont qu’addictifs et qui nous déconnectent de leurs fondations technologiques et de leurs possibles conséquences.

Ceci étant dit, même s’il nous est impossible d’expliquer tout ce qu’il y a à savoir sur le Fédiverse ici, nous allons essayer de donner un aperçu de ce à quoi peut ressembler l’utilisation du Fédiverse, et on espère que ça te donnera envie de l’essayer!

punisher

Utiliser Mastodon

À partir d’ici, nous allons nous concentrer sur Mastodon, qui n’est qu’une part du Fédiverse. C’est le logiciel le plus populaire, le plus facile à utiliser pour les novices, et celui avec lequel nous sommes le plus familier. Il y a des millions de personnes qui utilisent Mastodon sur des milliers d’instances, petites et grosses. L’interface de Mastodon est facile d’utilisation et il y a un grand nombre d’applications mobiles disponibles. Cette expérience serait similaire, mais différente, par rapport aux autres logiciels qui composent le Fédiverse.

Mastodon met l’accent sur le microblogging, un peu comme si Twitter et Tumblr avaient un bébé. Tu peux répondre, aimer et republier (booster) des publications. La différence la plus évidente pour un nouvel utilisateur c’est le manque d’algorithme addictif qui nous gave de contenu. Quand tu rejoins une instance, Mastodon va peut-être te suggérer quelques comptes à suivre, mais outre cela, ton fil d’actualité va être complètement vide. Mastodon ne va pas te suggérer de publications, il n’y a pas de « personnes que vous connaissez peut-être » (ça c’est parce que Mastodon n’espionne pas ses utilisateurs et utilisatrices et ne fait donc pas de suggestions basées sur ton emplacement).

Plusieurs d’entre nous sont habitué.es à utiliser les réseaux sociaux comme de simples spectateurs passifs. L’algorithme nous gave de mèmes d’animaux mignons, de hot – ou mauvaises – takes qui peuvent nous énerver. Ça peut être un choc de faire le saut vers Mastodon. Tout d’un coup, on doit choisir ce qu’on veut voir?? Il n’y a pas de déluge de contenu, ni aucune page de « Pour Vous » ou « Explorer ». Ça peut sembler bizarre au début, mais on soutient que c’est une bonne chose. Les points négatifs de « l’algorithme » sont bien connus. Le Fédiverse te redonne le contrôle et l’autonomie de choisir. Cela te permet d’être intentionnel.le avec ce que tu choisis d’apparaître dans ton fil d’actualités et de l’utiliser de manière à… être social (peu importe la manière qui te convient) sans être constamment encouragé.e à la consommation passive du contenu.

La plupart des autres utilisateurs et utilisatrices sur ton instance locale te seront visibles – il y a un « fil d’actualités local » qui ne montre que les postes publics des gens qui sont aussi membres de ton instance, et ça peut être un bon endroit pour commencer. C’est une particularité pratique surtout pour les instances créées autour de communautés préexistantes. Il y a aussi un « fil d’actualités global » qui montre des publications d’utilisateurs de tout le Fédiverse, pas seulement ton instance. Ces fils d’actualités ne sont pas générés à l’aide d’un algorithme, mais sont plutôt générés selon la « géographie » du Fédiverse – les utilisateurs et utilisatrices de ton instance, et celles et ceux d’autres instances avec qui iels interagissent au travers de la fédération.

Si tu veux que quelque chose apparaisse sur ton fil d’actualité, il faut commencer par suivre quelques comptes, trouver tes ami.es ou simplement explorer un peu pour trouver des comptes avec qui tu partages des intérêts. Ce que tu reçois du Fédiverse est proportionnel à ce que tu donnes. Souviens-toi que le but ici est de ne pas faire défiler les informations anxiogènes. Sans algorithme, avec un fil d’actualité plus tranquille, il est plus facile de se connecter pour voir ce que tu veux voir, et d’ensuite se déconnecter.

Mastodon offre des particularités qui valent la peine d’être soulignées du point de vue de l’expérience utilisatrice. Il est facile d’ajouter des avertissements sur le contenu, ainsi que des descriptions d’images et d’autres médias. Il y a plusieurs niveaux de confidentialité pour chaque publication (direct, pour les abonnés seulement, non listé, public, et parfois seulement visible sur ton instance), ainsi que plusieurs contrôles et filtres de sécurité – beaucoup trop pour tous les décrire ici. Le niveau de contrôle offert à l’utilisateur peut être intimidant au départ, mais ultimement, il en résulte des interactions plus intentionnelles qu’il est possible avec les réseaux sociaux corporatifs.

privacy_settings

Je m’inscris où??? Non, mais sérieux… je m’inscris où!?

À ce point-ci, si tu es convaincu, peut-être tu as déjà ouvert la boutique d’applis sur ton smartphone et recherché « Mastodon » ou « Fédiverse », ou tu es allé directement sur mastodon.com (…qui, bizarrement, n’est ni relié au groupe de métal ni au Fédiverse). Stop! Ce n’est pas comme ça qu’on rejoint le Fédiverse! Tu te souviens des instances, de la décentralisation, etc., etc. peut-être tu as sauté le paragraphe? Tu as besoin de trouver une instance pour héberger ton compte (si tu n’es pas capable – ou ne veux pas – créer ta propre instance, il y aura plus sur le sujet un peu plus tard!). Il y a plusieurs instances auxquels on peut s’inscrire seulement avec une invitation, ou basées sur des intérêts ou valeurs communes, mais le meilleur moyen de commencer c’est de joindre une grande instance avec une admission ouverte, qui accepte des novices. Une fois que c’est fait, tu vas peut-être te rendre compte que tes ami.es et les gens avec qui tu partages une certaine affinité se trouvent sur des instances plus petites. Migrer ton compte vers une nouvelle instance est facile à faire ; plusieurs personnes vont passer d’une instance à une autre jusqu’à ce qu’elles en trouvent une qui leur convient!

Au moment ou on écrit ceci, Kolektiva.social est une instance Mastodon anarchiste qui cherche à être un point de départ pour les anarchistes qui viennent d’adhérer au Fédiverse. C’est un bon endroit pour commencer. Pour te créer un compte sur le Fédiverse, tu navigues sur le site web qui correspond à ton instance (par exemple https://kolektiva.social) et t’enregistres là-bas!

kolektiva

Si tu préfères utiliser une application mobile sur ton smartphone, il y a plusieurs applis disponibles (on recommande les applis Toot! ou Metatext pour iOS, Tusky ou Fedilab pour Android), mais on doit s’inscrire sur une instance avant que ce soit possible d’utiliser une telle application. Souviens-toi que sur le Fédiverse, ton nom d’utilisateur complet est en deux parties, ton nom tout simple et le nom de ton instance (alors @fedizine@kolektiva.social) et tu as besoin d’avoir ces deux parties si tu veux accéder à ton compte à travers une appli. Si tu ne lui fournis pas ton instance, l’application ne saura pas où vit ton compte!

Ce que le Fédiverse n’est pas

Il est important d’adresser quelques fausses idées et les « mises en garde » souvent soulignées quand on parle du Fédiverse.

« Mais j’ai entendu que les admins peuvent lire les messages privés… »

twitter_fail_2

Le Fédiverse n’est pas un outil de messagerie crypté. Ce n’est pas parce qu’il est en lien avec les valeurs anarchiques que ça en devient un outil pour planifier des trucs discrets. Il s’agit d’un réseau social et il devrait être traité comme tel. Tous les postes que tu publies de manière publique sont, ben... publics. C’est vrai, les messages privés ne sont pas cryptés parce qu’il est logistiquement difficile de l’implanter avec la fédération. Cependant, ceci est vrai de tous les réseaux sociaux. Tu ne devrais pas non plus les utiliser si tu as besoin d’un tel degré de sécurité et confidentialité (penses-tu que Twitter ne lis pas tes messages?). Si tu as besoin d’un moyen de communication sûr, le Fédiverse n’est pas la place pour ça. Il y a probablement un autre zine que tu peux lire sur le sujet.

Nous devrions mentionner qu’il est plus facile de consulter ou publier sur le Fédiverse de façon anonyme en utilisant des outils comme Tor. D’avoir un compte anonyme sur Twitter ou Instagram pour publier de la contre-information est presque impossible, mais sur Mastodon, c’est facile.

Le problème nazi

Est-ce qu’on a mentionné que le Fédiverse était résistant à la censure? Oui, il y a des nazis et des militants d’extrême droite concentrés sur la liberté d’expression ici aussi. Pour les mêmes raisons que les anarchistes s’intéressent au Fédiverse lorsqu’iels sont expulsés de Facebook, les trolls et les fascistes ont aussi migré vers le Fédiverse. C’est un peu moins un problème que ce que l’on pourrait croire. Au niveau de l’utilisateur individuel, Mastodon dispose de meilleurs outils pour filtrer et bloquer les utilisateurs et utilisatrices que les réseaux sociaux corporatifs, et les instances elles-mêmes peuvent décider avec quelles instances elles veulent fédérer et avec lesquelles elles veulent se défédérer. La plupart des instances ne sont pas intéressées à se faire harceler par des nazis etc.; elles défédèrent de ces instances tout simplement. Les responsables d’instances qui partagent des valeurs communes travaillent ensemble pour s’alerter entre eux lorsqu’iels rencontrent de nouvelles instances qui encouragent la haine, ou qui trollent les personnes queers et trans, afin qu’il soit possible de se défédérer de manière préventive.

Au contraire des réseaux sociaux corporatifs, nous ne sommes pas à la merci de l’absence ou de l’indifférence des chefs d’entreprises pour nous aider avec la modération, et nous ne nous trouvons pas non plus dans une situation dans laquelle des travailleurs et travailleuses sous-traité.es et sous-payé.es doivent scruter un fil de contenu offensant sans cesse. Nous sommes en contrôle de notre propre modération, et on peut facilement se défédérer d’instances problématiques au complet si on le veut, ou s’il est nécessaire - chaque instance décide elle-même de ses politiques de modération autant intérieure qu’extérieure, ainsi que comment ces politiques seront implantées.

Créer ta propre instance

S’inscrire sur une grande instance déjà bien établie peut être un bon moyen de débuter son expérience sur le Fédiverse, et de laisser les réseaux sociaux corporatifs derrière. Cependant, on ne veut pas non plus tous se retrouver sur une seule grande instance anarchiste (imagine l’étendue des enjeux liés à la modération!). Le pouvoir du Fédiverse se trouve dans la décentralisation. Il est crucial de s’émanciper et d’encourager les gens à créer leur propre instance pour accueillir leurs ami.es et leurs projets. En ce moment, créer sa propre instance demande quelques connaissances techniques. Tu as besoin de connaître les bases de la réseautique et de l’administration système ainsi que les commandes Linux de base.

Mais c’est à la portée de quiconque veut apprendre et ça devient de plus en plus facile. Obtenir ces habilités fait aussi partie des concepts d’autonomie et d’émancipation sur lesquels nos communautés sont fondées. Si on utilise les réseaux sociaux pour communiquer, se coordonner et partager nos idées, nous devrions aussi contrôler les infrastructures qu’on utilise!

Étude de cas : Nous avons créé notre propre instance Mastodon

Après quelques mois sur Kolektiva.social, nous avons créé notre propre instance et avons migré nos comptes sur celle-ci. Au départ, nous avons lancé l’invitation à quelques ami.es proches pour nous rejoindre, mais très vite nous avons commencer à inviter des ami.es d’ami.es et des connaissances via des dépliants papier qu’on distribuait dans des shows punks locaux.

Notre instance existe depuis presque un an déjà et compte maintenant 135 utilisateurs et utilisatrices, qui font tous partie de notre communauté dans le monde hors internet. Tout le monde est connecté seulement par un ou deux degrés, et nous n’avons pas eu de problème de modération interne (tout le monde est pas mal cool).

Les gens y partagent des événements locaux, des nouvelles, de l’art, de la musique, des tranches de vie, des postes du style « petites annonces », des opinions personnelles, du repérage de graffiti, etc.! Notre instance est basée sur une communauté déjà existante, alors il n’y a pas de drame sur fil d’actualité local. Nous sommes aussi connectés à nos voisins du Fédiverse comme Kolektiva.social et d’autres instances anarchistes (salut à l’instance nihiliste!). Certains d’entre nous vont s’aventurer dans le Fédiverse et connecter avec plusieurs comptes qui se trouvent sur d’autres instances, pour consulter des nouvelles anarchistes d’ailleurs, ou simplement pour rencontrer de nouveaux ami.es. C’est vraiment un bon feeling de savoir que l’on décide nous-mêmes quoi faire de notre instance, en même temps que d’être connecté à un Fédiverse au complet auquel tout le monde peut participer.

Ressources et Guides Fédiverse

Un guide détaillé sur comment utiliser le Fédiverse(écrit par @elilla@transmom.love)!

joinmastodon.org  –  la documentation Mastodon

fediverse.party  –  une liste immense des outils disponibles sur le Fédiverse

joinfediverse.wiki  –  ressources gérées par la communauté pour le Fédiverse

runyourown.social  –  un guide pour gérer sa propre instance

fedi.tips

Idées gratuites pour ta nouvelle instance

Pour contacter les auteurs

Sur le Fédiverse: @fedizine@kolektiva.social

Ou par email : fedizine (a) riseup.net

Écrit, réécrit, conçu et imprimé sur le territoire non cédé des Kanien’kehà:ka.

Publié pour le Salon du livre anarchiste de Montréal, août 2022. Page de couverture risographiée.

twitter_fail_3